Vivons-nous une crise de l’engagement ?

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  • Mots clés: engagement , éthique , Communication politique , Impact

Rendons-nous compte que 60% de notre temps libre est consacré aux écrans selon l’étude Hobby One réalisée par Vertigo Research en fin d’année dernière sur 14 000 personnes âgées de 11 ans et plus. Et bien sûr il ne s’agit que d’une moyenne ! Mais à quoi accordons-nous notre attention ?

Dans les isoloirs à chaque élection, dans les associations, dans les mobilisations liées au climat, dans les entreprises, dans la solidarité ou les métiers du soin, dans la politique au quotidien… alors…
Vivons-nous une crise de l’engagement ?

Quelle est notre responsabilité collective ? Quelle est notre posture par rapport aux réseaux sociaux ? Sommes-nous devenus paresseux ? N’aimons-nous pas l’effort ? Ne réfléchissons-nous plus ? Comment pouvons-nous renouveler les manières de s’engager ?

Une conversation dans la cour de l’Ecosphère Aggelos, au 21 rue Grateloup

  • Timothée Duverger – Maître de conférences associé à Sciences Po Bordeaux et Conseiller technique au Cabinet du Maire de Bordeaux

 

SYNTHESE NON EXHAUSTIVE DES ECHANGES

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Eloi CHOPLIN – En guise de question, je propose de dresser le décor en balayant un certain nombre d’idée. Nous venons, avec les élections, de voir une abstention record. Dans les conseils de quartier localement, on voit qu’il y a assez peu de monde. La mobilisation citoyenne, on voit qu’il y a assez peu de monde ou alors c’est toujours les mêmes. La vie associative, c’est pareil. Ou alors c’est de l’engagement post-it, un engagement sur 1 h, 2 h, mais pas un engagement sur un an dans une assemblée parce que c’est un peu plus lourd. On voit qu’il y a un problème d’engagement dans certains métiers également. On l’a vu avec le département, notamment dans des métiers dits en tension comme dans la protection de l’enfance, dans collège, dans les métiers en première ligne.

On voit qu’il y a aussi un gros manque de confiance dans les médias. Les médias, les journalistes sont au même niveau que les agents immobiliers dans le classement, du baromètre de confiance des métiers que chaque année La Croix fait, ça laisse un peu dubitatif quand même. Le manque de confiance dans le politique aussi.

Nous habitons dans un monde complexe, on sait bien qu’il faut quand même prendre le temps pour prendre de la distance, prendre du recul, expliquer les choses. On a besoin toujours de faire de la pédagogie, on a besoin de temps. On a besoin de comprendre que chacun de nos choix a des impacts.

Sauf que nous sommes dans un monde où le temps semble s’accélérer. Un monde où l’on doit se positionner de manière binaire : oui ou non. Un monde de clivages. Dans ce monde-là, il y a tout ce phénomène de captation de notre attention qui est à l’oeuvre. 60 % de notre temps libre en moyenne se passe sur les écrans, les petits écrans, tout ce qu’on fait en dehors du boulot.

Est ce que qu’on devient paresseux ? Est ce qu’on ne sait plus ce que c’est que l’effort ? Est ce qu’on ne veut juste plus s’engager ? Est ce qu’on a peur ? Ou est-ce une grande fatigue ?

On va ouvrir pas mal de fenêtres tous ensemble…

 

Alain GROSS – Ne sommes-nous pas les désengagés de quelqu’un ? Est ce qu’on n’est pas tous des engagés autour de désengagés de quelqu’un d’autre ? Et que, par exemple, quand on fait le conseil d’administration de Citiz pour renouveler l’assemblée générale de l’appel à candidatures, on a trois postes à pourvoir. Au conseil d’administration, on a six candidats. Donc il y a des gens qui sont prêts à s’engager. Quand on passe une, une, une offre de stage pour l’Ecosphère, on reçoit plein de cv. Il y a une envie de s’engager. Quand il y a une guerre en Ukraine, on n’en parle pas beaucoup, mais il y a visiblement plein de jeunes ou moins jeunes qui sont prêts à s’engager et à partir avec leur sac à dos, sans aucune expérience, mais prêts à s’engager. Quand il y a un match de foot ou de rugby, les gens sont prêts à s’engager. Quand il y a Netflix qui propose des séries, on est prêt à y passer du temps.

Dans la lecture de l’engagement, peut-être qu’il y a des creux et des bosses. Est ce qu’on a besoin de tous s’engager ? Ce matin, j’ai croisé l’affiche de communication déployée par la mairie de Bordeaux et j’adore l’accroche : « Mêlez-vous de ce qui vous regarde ! »

Je trouve que c’est une lecture très positive. On n’est pas obligé de tous se mêler de tout ça. On n’est pas tous désengagés ou toutes désengagées de quelque part.

 

Timothée DUVERGER – Pour moi, l’engagement, cela renvoie à une double dimension : individuelle et collective. Mais en fait, c’est d’abord collectif, l’engagement et à la fin, c’est une décision personnelle. Est-ce que j’y vais ou pas ? Or, c’est le problème. C’est justement ce qui fait collectif aujourd’hui. Il y a des mutations très importantes qui font muter l’engagement lui-même.

Quelques exemples pour concrétiser ce que je dis.

Chez les jeunes, typiquement il y a un niveau de diplôme qui s’accroît, alors que finalement on fait des études de plus en plus longues. Sauf que dans le même temps, les statuts des jeunes sont toujours aussi fragiles, c’est à dire qu’il n’y a pas de revenus jeunes, il n’y a pas d’allocation d’autonomie… Ils doivent avoir de petits boulots à côté pour payer les études, ils galèrent. C’est difficile aussi d’avoir une appréhension de l’avenir qui soit positive dès lors qu’il y a la crise écologique, la guerre en Europe, des fragilités sociales que l’on connaît, la crise du Covid, etc Donc il y a aussi un manque de perspectives et d’horizon.

On peut se poser la question aussi des idées, du travail. Ce dernier est de plus en plus fragilisé, avec des statuts qui sont de plus en plus éclatés. La montée de l’auto-entrepreneuriat et donc l’affaiblissement du salariat qui va de pair avec des statuts très fragilisés qui font qu’avant de s’engager, on doit aussi se sécuriser. Là aussi, il y a une question de crise de l’avenir qui est liée à cette question des mutations du travail et des conciliation des temps de vie qui sont aussi rendues difficiles.

Il y a aussi un élément, à mon avis très important du point de vue sociodémographique, c’est le travail des femmes. Les femmes travaillent plus à la maison, donc les hommes qui avant pouvaient s’engager sur leur temps libre partagent les tâches désormais. Ce n’est pas toujours vrai, mais potentiellement à l’évidence, c’est une transition longue. Elles peuvent prendre un travail, ce qu’elles ne faisaient pas avant. Donc il y a des recompositions dans la gestion du temps qui se font au sein de la sphère familiale aussi. Il y a des rééquilibrages qui s’opèrent et qui font aussi que quant à l’époque vous étiez un homme, que vous travailliez toute la journée, que vous vous engagiez dans le syndicat, dans le parti, etc.., pendant que votre femme gérait les enfants… C’était possible. Aujourd’hui, c’est plus difficile. Il faut partager davantage les tâches, ce qui est tout à fait naturel mais qui du coup, génère des recompositions dans les formes d’engagement.

La question du vieillissement de la population, est une autre transformation lourde qui fait que quand vous prenez votre retraite à 60 ans, vous êtes plutôt en meilleure santé que par le passé, même s’il y a des indicateurs qui peuvent inquiéter parfois. Mais en tout cas, vous êtes en meilleure santé que par le passé et donc vous vous engagez sur ce nouveau temps libre qui est un autre temps de vie. Et donc c’est ce qui fait qu’on a beaucoup de bénévoles qui sont des personnes de plus de 60 ans.

Ces personnes qui sont inactives vis-à-vis du marché du travail, sont actives à travers de nouvelles formes d’engagement.

Donc je pense qu’il faut resituer la question dans ce contexte de transformations lourdes.

Nous vivons une transformation du militantisme, une transformation de l’engagement mais pas la fin de l’engagement par rapport à tout ce que je viens de dire. Il s’agit plutôt de recompositions. Nous sommes moins dans un engagement long qui prend beaucoup de temps, qui est très collectif, qui est affilié à des groupes d’appartenance de milieux ouvriers. Nous sommes de plus en plus sur un engagement possible, donc effectivement plus ponctuel et désaffilié.

Par exemple, je suis jeune ouvrier, je ne suis pas à la CGT et au PC, mais maintenant, quand je suis jeune, je ne vais pas chercher une idéologie, je vais chercher une cause. Cela va être plus ponctuel. Je vais m’engager sur un temps donné, sur le temps du projet. D’une certaine façon, ce sont aussi ces nouveaux modes de management qui pénètrent aussi. C’est faire de l’engagement politique, de projet… Donc il y a une mutation qui me semble assez importante à noter de ce point de vue.

Si l’on parle de la question des partis politiques, puisque c’est une forme d’engagement importante. On a des partis politiques qui sont aujourd’hui complètement dévitalisés, vidés de toute substance. Le Parti socialiste, typiquement, avait il y a dix ou quinze ans, plusieurs centaines de milliers d’adhérents. Aujourd’hui, il y en a 20 000. C’est vrai aussi chez les Républicains. Donc tous les partis traditionnels sont dans ce cas-là. Et les nouvelles formes partisanes qui ne se revendiquent pas comme des partis mais comme des mouvements de type « France insoumise » revendiquent aussi des centaines de milliers. Je crois que c’est la démocratie du clic. On sait très bien que c’est juste parce que j’ai cliqué pour être dans une newsletter. Ce n’est pas tout à fait le même niveau d’engagement. Il faut avoir aussi ça en tête.

La stratégie populiste de la « France insoumise » est intéressante de ce point de vue. Il faut une nouvelle forme d’engagement parce qu’effectivement ils sont sur une mobilisation très intensive, très intense pendant une période courte qui est celle de la campagne des présidentielles et qui elle-même déjà mobilise beaucoup parce qu’elle est très médiatisée. Donc cela va générer un engagement très fort et très intense à ce moment-là. Et puis après, ça retombe pendant cinq ans. C’est cela qui s’est passé la dernière fois. C’est cela qui va probablement se reproduire un peu cette fois-ci encore. Il y a des élections intermédiaires. Normalement, ces mouvements s’en désintéressent un peu, mais là, ils vont s’y intéresser sans doute davantage. Ils viennent de changer de stratégie avec la posture où l’on passe d’une stratégie populiste de relation directe entre une personnalité charismatique, Mélenchon et les citoyens à une stratégie de corps intermédiaires de Front populaire, d’union de la gauche où l’on fait un cartel de partis.

De manière générale, ce n’est pas un hasard si les partis sont en crise, si les syndicats sont en crise. Les associations, sont en crise également. Même s’il y a de plus en plus de bénévoles.

La question, c’est comment on résout le décalage qu’il y a entre les institutions qui sont censées donner des supports à l’engagement et cette volonté spontanée, d’engagement qui ne trouve pas de débouché naturel. Sphère familiale, politique, associative, professionnelle, amicale… Il y a une interpénétration de ces sphères de plus en plus forte. C’est le temps disponible passé sur les écrans aussi qui peut être une question. Il faut trouver des formes d’engagement dans des sphères qui n’y étaient pas forcément propices.

 

 

Sur les associations

 

Vous avez des associations aujourd’hui, de plus en plus, qui se questionnent sur « comment je fais pour accueillir un engagement 2 h par semaine ». Vous le voyez beaucoup dans le social.

 

Cela peut rejoindre aussi la question du financement des associations, qui a beaucoup évolué ces dernières années et particulièrement depuis la crise de 2008. En fait, la crise économique de 2008 a abouti à une raréfaction des financements publics. Les associations reposent de moins en moins sur la subvention et de plus en plus sur les marchés publics ou sur les recettes de leurs usagers, sur des services qui se vendent, des cotisations. Cela explique pourquoi les associations sont de plus en plus financées par projet avec des prestations très contraignantes.

 

Cela pose la question de la subvention de fonctionnement de l’association. Mais on pourrait tout à fait le prévoir. Les collectivités sont sous pression financière. Donc c’est surtout au niveau de l’Etat que cela se peut se décider en réalité, puisque les collectivités, elles, ne font que répercuter les propres tensions financières qu’elles subissent de la part de l’Etat central. C’est une pression à la fois financière et réglementaire, car elles ont la limite à la fois d’avoir une baisse de leurs dotations, les suppressions de la fiscalité locale. De moins en moins d’autonomie fiscale n’est pas un mal mais si de l’autre côté, les dotations baissent, c’est un peu embêtant.

 

En France, il y a une forme de défiance vis à vis des corps intermédiaires et particulièrement des associations qui ont longtemps d’ailleurs été interdit au XIXᵉ siècle. De tout ça, il en reste quelque chose. Et c’est vrai que ça a basculé un peu dans les années 70. On se souvient d’une circulaire de Jacques Chirac, Premier ministre en 75, qui dit que « l’Etat n’a pas le monopole de l’intérêt général, les associations y contribuent également ». Il y a une espèce de reconnaissance progressive, comme ça depuis les années 70, des associations. Mais en réalité, cette reconnaissance du droit associatif est remise en cause actuellement par la charte de la laïcité. Maintenant une association doit signer un papier comme quoi elles adhèrent aux valeurs de la république. Ce qui parait normal. Mais en réalité cela pose tout un tas de problèmes parce que cela veut dire que des actions illégales de désobéissance civile qui ont pu faire progresser les droits à la contraception par exemple seraient interdites demain. Vous ne seriez plus subventionné pour cette raison-là.

 

N’est ce pas un rapport à l’effort qui est questionné ?

Je pense que c’est surtout que les gens sont face à des sollicitations, des injonctions extrêmement variées. Je pense à un texte dans les années 30 de Jacques Ellul et Bernard Charbonneau, qui sont deux fondateurs de l’écologie politique en France bordelais. Ils disaient dans un texte sur la « nature, force révolutionnaire », que justement l’écologie, c’est le culte de l’effort, c’est à dire que c’est se confronter à la nature, et c’est justement sortir de la civilisation du confort. Dans ces années-là, c’étaient les débuts de la société de consommation. C’est ça qui est dénoncé.

 

Donc ce n’est pas un phénomène nouveau. C’est un phénomène inhérent, à la civilisation produite par le capitalisme qui enferme dans un confort la sphère privée. Finalement, elle a enrôlé dans le capitalisme la classe ouvrière. C’était ça qu’il y avait derrière dans les années 60, notamment aussi dans la poursuite de cette idée-là. Certains auteurs y ont vu une stratégie du capitalisme d’anesthésier les formes d’engagement.

 

Peut-être que toutes les organisations de la société civile doivent davantage se fédérer, c’est à dire proposer des parcours d’engagement qui permettraient qu’on puisse naviguer d’une association à l’autre. Il y a des passeports d’engagement, des machins, la reconnaissance du bénévolat. Il y a des choses qui existent mais qui sont assez, inachevées…

 

Sur la question de l’entreprise

Quand on est salarié d’un groupement d’employeurs, en réalité, on peut être mis à disposition de plusieurs entreprises. Avec un enjeu de faire attention sur le temps de travail et le fait qu’il y ait une cohérence. Dans l’ESS, il y a cette idée de comment générer des compromis et de comment arriver à concilier les contraires. Les tiers lieux font ce type de choses. Il y a aussi less coopératives d’activité et d’emploi qui permettent typiquement d’être à la fois entrepreneur et salarié dans une entreprise. Donc je suis salarié, j’ai la sécurité, mais j’ai aussi la liberté de l’esprit, de l’entrepreneuriat. L’ESS tente d’inventer ces nouvelles formes.

 

La sécurité et la liberté sont les deux valeurs cardinales de la modernité. Mais on est quand on est toujours dans la même équation depuis deux siècles. La liberté sans sécurité est-elle une vraie liberté ? C’est ça le sujet.

 

C’est pour cela qu’on voit des mesures un peu plus systémiques apparaître de type revenu de base et autres, qui permettraient de sécuriser les parcours d’engagement et des formes plus sociales comme le compte personnel d’activité qui était défendu par la CFDT. On essaie de prendre en compte de plus en plus la singularité. Mais c’est vrai qu’on a des systèmes qui ne sont pas du tout pensés de cette façon-là. Donc ça prend beaucoup de temps avec le risque que, si ça ne va pas assez vite dans la transformation, cela explose.

 

On le voit avec les contestations très fortes, avec le vote d’extrême droite. Ce sont des signaux qui montrent que nos institutions dysfonctionnent et qu’elles sont décalées par rapport à la société.

 

Sur le financement des associations par projets

 

Les associations, sont concentrées sur des projets parce que c’est cela qui est financé, mais du coup, c’est au détriment de la sécurisation de leur structure, de leurs revenus, de leur fonctionnement, de ce qu’elles sont.

 

Retour sur cette notion de l’engagement à plusieurs vitesses

 

Le clic ne fait pas un engagement. Pourtant, ce peut être une étape. Une première marche. Car il est possible de penser que le premier clic amène à une première réunion. Et cette première rencontre à autre chose éventuellement. Je pense que tout est bon à prendre. Moi, j’ai un côté un peu pragmatique et je pense que ce dont on a besoin, c’est de gens qui ont envie de donner du temps, d’y trouver du sens, d’en avoir plus. Je préfère la personne qui va passer 2 h avec une personne isolée plutôt que celui qui va passer 2 h dans le conseil d’administration à essayer de comprendre ce qui se passe. Je pense j’aurais d’autant plus de respect que c’est pas forcément moi.

 

La place de l’Etat

 

Dans les pays anglo-saxons, il y a ce rapport à l’Etat qui est différent en France. Il se trouve que nous, on attend plus de l’Etat. Donc forcément, je le dis, nous sommes dans un contexte particulier.

Donc on ne peut pas se dire du jour au lendemain : « oui, c’est vrai, après tout, il faut agir autrement. Il faut ailleurs, il faut autrement. Allons-y ! On s’en fout de l’Etat ». Parce que là, ça mettrait en danger tous les acteurs qui aujourd’hui en dépendent. Par ailleurs, même au Royaume-Uni, il y a eu des fortes contestations notamment sur le projet de Cameron sur la Big Society en 2010, qui a dit « Je vais défendre la société civile ». Et puis derrière, ils ont tout privatisé, réduit les subventions aux structures. Dans ces pays il y a une autre culture et un autre rapport à l’engagement de la société civile lié aussi aux droits coutumiers… C’est aussi tout ce rapport à la société civile qui est très différent.

Mais malgré cela, je pense qu’ils ne peuvent pas se passer de l’Etat ou alors au prix de diverses difficultés qu’ils rencontrent également ensuite.

 

Je pense que le rôle de l’Etat, c’est de fournir des cadres institutionnels favorables. Ça, c’est la base. Le simple fait d’avoir le droit de s’engager en soi, c’est déjà un bien commun. Ensuite, il y a effectivement tout ce qui va être soutien financier, soutien d’animation. C’est à dire faire en sorte d’être un peu le tiers de confiance qui permet de réunir l’ensemble des collectifs autour de la table.

D’une certaine façon, c’est aussi ça de donner un sens, un cap. Le rôle du politique, est aussi de donner une orientation et de fédérer autour de cette orientation. Il le fait de moins en moins et c’est peut-être un problème.

 

Ensuite, c’est aux citoyens de s’impliquer. Ils ne peuvent pas toujours tout attendre. Évidemment, le principe même de l’engagement, c’est aussi c’est la liberté, mais c’est à côté. Et la sécurité, je l’ai évoqué. Mais à côté de la liberté, c’est la responsabilité, ça rejoint ce qui a été dit. J’ai aussi une responsabilité collective et je dois me donner les moyens d’agir.

 

Concernant la pensée de Jacques Ellul

 

Il avait une méfiance aussi vis-à-vis des systèmes politiques. Il a été brièvement proche de la S.F.I.O. à un moment donné, mais cela n’a pas vraiment duré. Il se méfiait de tout ce qui était de l’ordre des institutions collectives qui étaient pour lui des formes d’enrôlement. Moi, je suis moins radical là-dessus. Je pense qu’effectivement il y a besoin de ces structures politiques. Cela étant, il faut établir une distance critique vis à vis d’elles. On ne va pas faire une société d’aristocrates parce que c’est un peu ça quand même. Chez Ellul, il y a un peu ce côté d’une super élite. Il faut être un intellectuel qui va tout seul dans la montagne. Donc je trouve que la critique qu’il fait est très forte et très importante. Mais je ne le rejoins pas sur ses conclusions. Une société d’aristocrates n’existe pas.

 

Sur l’abstention

 

En fait, tout le monde s’en fout du vote blanc. C’est pour ça que les médias ne s’y intéressent pas. Ce dont on parle, ce n’est pas le vote blanc, c’est l’abstention. Parce qu’elle est massive. Mais parce l’abstention souligne je crois un retrait par rapport au système aussi.

 

C’est la question de la crise institutionnelle qui est posée. Nous avons tous un rôle à jouer. Il y a le rôle des associations, celui de l’Education Nationale, celui des partis politiques, bien sûr pour expliquer en quoi tout cela est important.

 

Il y a beaucoup de gens qui sont très éloignés des élections pour des raisons sociales. Peut-être, parce qu’ils ne comprennent pas les codes. Je ne les blâme pas. Mais il y a une responsabilité collective à faire en sorte que tout cela fonctionne.